Le corps dans la relation thérapeutique
28 avril 2025

En gestalt-thérapie, nous avons comme particularité de travailler avec le corps par la prise de conscience progressive de ses mouvements ou de l’absence de mouvements, reliée au processus de contact avec soi-même et avec l’environnement. C’est là que se situent, pour nous gestaltistes, les traces de nos histoires, de nos blessures ou de nos joies ; notre corps parle pour nous dans le contact !

Prenez un instant pour observer comment est votre tête, votre poitrine, votre ventre, vos épaules, vos jambes, vos pieds ? écoutez le timbre et le débit de votre voix ? votre respiration est-elle rapide ou lente ? quelle énergie sentez-vous dans le haut de votre corps ? et dans le bas ?

Nous sommes tous dotés d’une structure biologique corporelle différente. Au-delà, nous avons tous des variations individuelles corporelles, appelées la structure adaptative du corps qui s’est construite à partir des adaptations à notre histoire et à notre expérience individuelle. Nous façonnons notre structure corporelle jusqu’à ce qu’elle soit si habituelle qu’elle semble être inscrite dans notre corps. Ce qui a été un processus d’ajustement momentané et modifiable devient une structure permanente et fixée.

Pour James KEPNER[1], l’expérience du corps est à envisager comme une expérience de soi. En termes gestaltistes, on appelle ces sensations des figures, elles se détachent sur l’arrière-plan d’ensemble que constitue notre expérience du corps. La gestalt thérapie considère le soi non pas comme un objet ou une structure statique mais comme un processus fluide. En ce sens, le soi peut être considéré comme l’intégrateur de l’expérience. Et le soi n’est rien d’autre que le système de fonctions de contact : excitation (sensation), orientation (formation de figures et mobilisation), manipulation (action), identification (contact) et aliénation (retrait et assimilation).

En thérapie, le but n’est donc pas de supprimer les structures mais de les transformer pour devenir les processus qu’elles représentent et intégrer dans le soi ce qui a été désapproprié, par le biais de l’approche expérientielle et phénoménologique.

Concrètement, la première étape est de nous faire prendre conscience de « ce qui est » : processus de re sensibilisation. Au fur et à mesure qu’augmente l’appropriation et l’identification, nous commençons alors à percevoir le processus ou la signification derrière la posture ou la tension. L’expérimentation d’une structure corporelle met en évidence le processus actif caché derrière la structure statique et nous rend plus conscient. Peut ensuite s’ajouter le mode verbal qui a pour fonction d’organiser la direction et d’incarner le thème.

Imaginons alors ce que notre corps peut traduire, s’il a été mal-traité ! Apparaissent alors ce qu’on appelle des résistances, c’est-à-dire des modes de régulation nous permettant de « continuer à fonctionner ». Ces résistances ont une signification et une fonction propre dans notre vie. Tout ce dont nous nous servons pour nous protéger.

La résistance n’est donc pas seulement l’expression du soi : c’est l’expression d’un aspect particulier de soi dans la relation soi/corps. Ainsi, le thérapeute va travailler sur le corps pour rétablir le contact avec le processus corporel. Il va aussi encourager notre expression pour décrire et clarifier l’expérience et sa signification. Le but tendant à réassimiler dans le soi les fonctions désappropriées, élargir l’éventail des réponses, et permettre un nouvel ajustement.

En mettant l’accent sur la manière dont nous faisons l’expérience de notre être physique, en explorant le sens de cette expérience corporelle, ce travail spécifique à la Gestalt, sans omettre les autres composantes de la relation thérapeutique, est une voie d’accès nécessaire à la compréhension et au changement.


[1] KEPNER J., Le corps retrouvé en psychothérapie, Ed. L’Exprimerie, 1998, 255 pages.